Bibliographie

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Oeuvres de Viktor E. Frankl en langue française

  • Découvrir un sens à sa vie avec la logothérapie – Le témoignage et les leçons de vie d’un grand homme  (Man’s Search for Meaning). Traduit de l’anglais par Clifford J. Bacon et Louise Drolet. Editeur: J’ai lu, janvier 2013. ISBN 2-290-02482-9
  • Découvrir un sens à sa vie avec la logothérapie. (Man’s Search for Meaning). Traduit de l’anglais par Clifford J. Bacon et Louise Drolet. Editions de l’homme/ Actualisation, Montréal 1988-1989. ISBN 2-7619-0709-4
  • Le Dieu inconscient (Der unbewusste Gott) – Psychothérapie et religion. Traduit de l’allemand par Gilbert Ferracci. InterEditions 2012.
    EAN13 : 9782729612337
  • Le Dieu inconscient. (Der unbewußte Gott) Editions du Centurion, Paris 1975. ISBN 2-227-30506-1
  • La psychothérapie et son image de l’homme. (Das Menschenbild der Seelenheilkunde). Traduction de Joseph Feisthauer. Editions Resma, Paris 1970 – 1974.
  • Un psychiatre deporté témoigne. Préface de Gabriel Marcel. (Ein Psycholog erlebt das Konzentrationslager). Editions du Chalet, Lyon, 1967-1973
  • Raisons de vivre. Tome I (The will to meaning). Traduit de l’anglais par Michèle Carton-Hainé. Edition du Tricorne, Genève 1993. ISBN 2-8293-0116-1
  • Nos Raisons de vivre. A l’école du sens de la vie. (The will to meaning). Traduit de l’anglais par Georges-Elia Sarfati. InterEditions/ Dunod 2009

Oeuvres d’Elisabeth Lukas en langue française

  • Quand la vie retrouve un sens. Une introduction à la logothérapie. (Lebensbesinnung) Traduit de l’allemand par Gilbert Ferracci. Editions Pierre Téqui, Paris, 2000.ISBN 2-7403-0775-6
  • De ta souffrance même tu peux faire quelque chose. (Auch dein Leiden hat Sinn.) Préface de Kazimierz Popielski – Traduit de l’allemand par Gilbert Ferracci. Editions Pierre Téqui, Paris, 2002. ISBN 2-7403-0950-3
  • Chants du signe. (Sinn-Bilder) Présentés et traduits par Gilbert Ferracci. Editions Pierre Téqui, Paris, 2004. ISBN 2-7403-1067-6
  • La Logothérapie – Théorie et Pratique. (Lehrbuch der Logotherapie.)  Préface de Paul H Bresser – Traduit de l’allemand par Gilbert Ferracci. Editions Pierre Téqui, Paris, 2004. ISBN: 2-7403-1156-7

Autres oeuvres en langue française

  • Association de Logothérapeutes Francophones ALF : La quête de sens, une réponse aux souffrances individuelles et collectives ? Actes du 2e congrès national de l’Association de Logothérapeutes Francophones (Paris, 15 mars 2014). Sortie octobre 2014 – Diffusé par Vrin. ISBN 979-10-93043-10-4.
  • Jean-Luc Bernaud, Lin Lhotellier et al. : Psychologie de l’accompagnement –  Concepts et outils pour développer le sens de la vie et du travail, Dunod Paris 2015, ISBN -10 : 2100724207
  • Michel de Boucaud: Psychiatrie et spiritualité dans : La spiritualité en perspectives Rencontres interdisciplinaires. Sous la direction de Jacques Chazaud, L’Harmattan, Paris 2004, pages 27 -53
  • Michel de Boucaud : L’être, le désir et le sens : V. Frankl dans : Michel de Boucaud : Psychiatrie et psychopathologie – Les désorganisations psychiques. Publié par le Congrès de Psychiatrie et de Neurologie de Langue Française. 1999, pages 139 – 146 (ISBN 2-9511992-8-7)
  • Marie-Laure Cuzacq, Donner un sens à sa vie en 35 leçons [broché]. ESI, Paris,2012.
  • France Hennezel, „Reflexions sur Viktor Frankl et son ecriture“ Bulletin de l’Association Professionnelle des Psycho-Graphologues, Nr. 21, Décembre 1995, p. 16
  • Théophile Kammerer : Article sur le livre „Le Dieu inconscient“ de Viktor E.Frankl dans „l’Evolution psychiatrique“. 4, 229, 1948
  • Rolf Kühn, Logothérapie et phénoménologie ? Contributions à la compréhension de l’analyse existentielle de Viktor E. Frankl, Collection : Psyché de par le monde, L’Harmattan, Paris 2016, ISBN  9782343073323
  • Rolf Kühn, “ La vie affective en psychologie et en philosopie. L’apport de Viktor E. Frankl et de Simone Weil a une théorie thérapeutique du sentiment “ Revue des Sciences Philosophiques et Théologique 69, 1985, p. 521 -562
  • Rolf Kühn, „Individuation et vie culturelle – Pour une phénoménologie radicale dans la perspective de Michel Henry“ Editions Peeters, Louvain-Paris-Walpole, 2012, 200 pages. ISBN 978-90-429-2532-8
  • Rolf Kühn.“L’abîme de l’épreuve – Phénoménologie matérielle en son archi-intelligibilité“ P.I.E. Peter Lang, 2012. ISBN 978-90-5201-914-7
  • Rolf Kühn, „La pensée de Victor Frankl et notre temps“, Le Portique (en ligne), 18/2006, mis en ligne le 15 juin 2009
  • Rolf Kühn : „Radicalité et passibilité. Pour une phénoménologie pratique“ L’Harmattan, Paris, 2003, chap. II. 8 : Existence et affection.
  • Pascal Le Vaou : „Une psychothérapie existentielle : La logothérapie de Viktor Frankl.“ L’Harmattan, Paris, 2006 (ISBN : 2-296-00190-4)
  • Pascal Le Vaou : „Martin Heidegger peut-il nous aider à lire Viktor Frankl? Le Logos entre herméneutique et déconstruction.“ dans „Viktor Frankl und die Philosophie“ (Hg. Dominik Batthyány und A. Zsok), Springer, Wien, 2005, 253-286.
  • Alex Pattakos : Découvrir un sens à son travail – D’après les théories de Viktor Frankl, auteur de Découvrir un sens à sa vie (Prisoners of Our Thoughts 2004). Traduit de l’américain par Louis Vincent. Editions de l’homme, Montréal, 2006.
  • Yves Pelicier : Presence de Frankl. Tricorne, Genève 1996
  • Pascale Senk : Interview exclusive et exceptionnelle de Viktor Frankl. Psychologies 142, 20 mai 1996, p. 40 – 41
  • Irvin Yalom (trad.: Laurence Richard) : „Thérapie existentielle“ Galaade Editions, 2008 (ISBN-10: 2351760549, ISBN-13: 978-2351760543)

Compte rendu de lecture

Hérold Toussaint:

 

LE VAOU Pascal, Une psychothérapie  existentielle : la logothérapie de Viktor Frankl, Paris, Editions L’Harmattan, 2006,  319 pages

 Paru en 2006, ‚Une psychothérapie existentielle : la logothérapie de Viktor Frankl‚ peut être considéré comme une solide introduction aux sources de la pensée de Viktor Frankl.  Son auteur, Pascal Le Vaou, est psychiatre et docteur en philosophie.  Ces deux disciplines – psychiatrie et philosophie – lui ont permis d’explorer en profondeur l’ensemble des écrits de Frankl.  Le Dr le Vaou veut combler un vide, celui de la méconnaissance ou la faible diffusion de la logothérapie dans le milieu universitaire francophone.  Dans l’introduction de son ouvrage, le Dr Le Vaou affirme :“L’un des objectifs de ce travail sera ainsi d’aider à mieux connaitre (et faire connaitre) l’oeuvre de Frankl, ce qui permettra peut-être même d’apporter quelques éléments de réponse à cette question.  Car la méconnaissance dans laquelle cet auteur se situe tient aussi très certainement à l’originalité de sa démarche et de son inspiration :  insistance sur la dimension spirituelle de l’homme (et de son autonomie par rapport à la dimension psychologique sous-jacente), insistance sur le rôle et l’importance de la religion, critique vis-à-vis de la psychanalyse alors même que l’enjeu intellectuel en France après la guerre était bien la réception de la psychanalyse, réhabilitation de la personne à l’heure de la déconstruction du sujet à la grande époque du structuralisme, etc.   Tout ceci ne pouvait que susciter méfiance et réticence, voire ramener la figure de Frankl à celle d’un obscurantiste“. Or, le jeune Frankl, enfant surdoué et bientôt étoile montante de la neurologie et de la psychiatrie viennoise, en relation épistolaire avec Freud avant de suivre Adler et de changer de perspective à la lecture de Scheler était tout sauf un « obscurantiste ». Le Dr Le Vaou s’est donné une mission fort difficile : aider les professionnels de la santé mentale à se libérer des préjugés dont est victime l’oeuvre du psychiatre viennois en France.

    A travers les 317 pages qui composent son livre, le Dr Le Vaou tentera de réhabiliter la figure de Frankl.  Pour ne pas s’attirer les foudres d’une certaine frange de ceux qui auront du mal à entrer dans la logique de Frankl, l’auteur évitera de se présenter comme un défenseur farouche de ce dernier.  Son analyse se veut lucide et rigoureuse. Les quatre grands chapitres qui composent son travail en sont une preuve.  Dans son premier chapitre – Viktor Frankl dans le contexte socioculturel et politique de son temps, – le Dr Le Vaou présente la trajectoire intellectuelle de Frankl.  Il souligne, d’une part l’intérêt de Frankl pour la philosophie, d’autre part, son rapport à la psychanalyse de Sigmund Freud et à la psychologie individuelle d’Alfred Adler.

Le Dr Le Vaou relate les échanges épistolaires qu’a eus Frankl avec le fondateur de la psychanalyse.  Dans le cadre de cette communication, Frankl a soumis à Freud ses réflexions sur le sujet suivant : „Sur la mimique des mouvements d’affirmation ou de négation“.  Ce texte a été publié dans le journal international de psychanalyse“ en 1924.  La psychanalyse ne comblait pas les attentes du jeune Frankl.  Il prendra ses distances vis-à-vis de Freud.  S’il va se diriger vers Alfred Adler et son équipe, il n’acceptera jamais de se considérer comme un adlérien orthodoxe.  Frankl est l’homme qui rejette toutes les formes de dogmatisme et de réductionnisme.  Au-delà de son dialogue avec la méthode freudienne et avec celle plus individuelle d’Alfred Adler, Frankl cherchait inlassablement à imprégner ses pratiques médicales d’une dimension humaine qui répondrait aux impératifs de son époque.  Cette recherche va l’emmener à se rapprocher de deux auteurs – Rudolf Allers et Oswald Scwarz – qui défendent une vision anthropologique soutenant la possibilité d’une authentique capacité de décision libre chez l’être humain.  La rencontre de Frankl avec Allers l’a amené à découvrir la phénoménologie de Max Scheler à travers l’ouvrage „Le formalisme en éthique et l’éthique matérielle des valeurs.  Essai pour fonder un personnalisme éthique“.  Bref, ces différents rencontres l’ont conduit à avoir une vision plus large et plus globale de l’être humain.  Sa distance avec la psychanalyse et la psychologie individuelle sera définitive.  Cette rupture lui permettra de forger sa propre pensée ou de créer sa propre voie. Le Vaou cite ainsi ces mots de Frankl : „Maintenant je cherchais à oublier ce que j’avais appris de la psychanalyse et de la psychologie individuelle. J’aspirais à apprendre des patients eux-mêmes – à écouter les patients. Je voulais deviner ce qui se passe lorsque leur état s’améliore. Je commençais à improviser“ (p.30 4e paragraphe)

    Jeune médecin, Viktor Frankl se révèle comme un homme de terrain.  Il est aux prises avec les problèmes de son temps : pertes des valeurs traditionnelles, tentatives de suicide, désarroi des jeunes.  On le voyait dans les années 1930 travailler dans un service psychiatrique à Vienne « Am Steinhof », prenant en charge à cette époque environ 3000 patientes suicidantes par an, ce qui, écrit-il, contribua à développer son sens du diagnostic.

    L’arrivée des nazis au pouvoir, nous dit le Dr Le Vaou, va exercer une influence sur le travail du médecin juif Viktor Frankl.  Accompagné de sa famille, ce dernier sera déporté à Theresiendstadt (Tchécoslovaquie) puis à Auschwitz.  Il avait eu le temps de porter avec lui le manuscrit „Aerztliche Seelsorge“, livre qui constituait la synthèse de son expérience scientifique dans la pratique clinique.  Il perdit ce livre à Auschwitz.  Il a dû le reconstituer après sa libération.

    Le deuxième chapitre du livre s’intéresse aux grandes lignes théoriques de la logothérapie.  Ainsi, le Dr Le Vaou partira des travaux du Docteur Viktor Frankl, des chercheurs Yves Pelicier, de Elisabeth Lukas et de ses propres notes de cours dans le cadre de sa formation en logothérapie à l’institut de logothérapie de Fürstenfeldbruck. D’entrée en jeu, l’auteur lie le concept de logothérapie à celui de l’analyse existentielle.  Il s’appuie sur cette affirmation de Frankl : „La logothérapie et l’analyse existentielle sont chacune les deux faces de la même théorie. En effet, la logothérapie est une méthode de traitement, tandis que  l’analyse existentielle représente une direction de recherche anthropologique“ p.34.

    L’auteur dégage la vision de l’homme qui est inhérente à la  logothérapie.  Pour cette dernière, l’homme est caractérisé par sa recherche du sens.  La logotherapie signifie, selon lui, aussi bien „thérapie par le sens“ que „thérapie contrée par le sens“. Dans ce chapitre, le Dr Le Vaou énumère  les trois piliers sur lesquels repose la logothérapie :

  • La liberté de la volonté
  • Le sens de la vie
  • La volonté de sens

    Ainsi, la logothérapie est différente de toute psychologie déterministe. La personne humaine est au coeur de la démarche de Frankl.  Elle est unique, irremplaçable.  La liberté à la responsabilité et la spiritualité appelé aussi „noétique“ forment une trilogie dans l’anthropologie frankelienne.  La personne humaine est un être au monde qui est ouvert à la transcendance.

   Le Dr Le Vaou consacre une partie de ce deuxième chapitre à  la dimension spirituelle de l’homme.  Ce dernier n’est pas une monade.  Il est une unité et une totalité qui participe à ces trois dimensions: somatique, psychique, spirituelle ou noétique.  Ces dimensions ne se posent pas l’une sur l’autre.  Nous sommes en présence d’une „unité noo-psycho-dynamique“.  Toutefois, Frankl admet que c’est le spirituel qui fonde l’unité de la personne humaine.  En témoigne cette affirmation de Frankl: „ce spirituel est ainsi ce qui fonde, détermine et garantit l’unité de l’homme“ (p.38).  La personne humaine n’est jamais atteinte dans sa spiritualité.  De nouveau, le Dr Le Vaou fait appel à cette affirmation de Frankl : „La personne spirituelle reste intacte, et même encore dans la psychose; la personne peut bien encore être cachée et ‚bloquée‘ par les événements de la maladie qui sont au premier plan – à l’arrière plan, elle est toujours là comme auparavant, même si elle est impuissante et invisible“ (p.40)

    Sont  également abordés dans ce chapitre les concepts de conscience, d’inconscient spirituel, de ministère médical, de sens,  des valeurs, de souffrance, et de religion.  Cette présentation permet à l’auteur de dégager l’originalité de Frankl.  Contrairement à Sigmund Freud, le spirituel appartient à l’inconscient et peut être tout aussi bien conscient qu’inconscient.  La conscience, quant à elle, est la voix de la transcendance que l’homme peut choisir de pas écouter. Le Dr Le Vaou laisse découvrir les trois voies par lesquelles l’homme peut découvrir le sens de sa vie : il s’agit des valeurs créatrices, des valeurs du vécu, des valeurs de position et d’attitudes.  Ces dernières sont des valeurs par lesquelles l’homme agit et prend position face à des situations sans issue.  En résumé, la logothérapie de Frankl a pour mission la ré-humanisation de la psychothérapie.  Faisant fi de tout réductionnisme, elle fait de la responsabilité le centre de l’existence humaine.

    Avec le troisième chapitre, Le Dr Le Vaou aborde l’objet de sa recherche : les sources philosophiques et psychanalytiques de la logothérapie.  Il consacre vingt-neuf (29) pages  à l’analyse de  la relation entre Freud et Frankl.  Il ne les campe pas comme deux rivaux. Même s’il met clairement en lumière à la page 72 l’anthropologie sous-jacente à chacune des deux écoles.  Le Vaou reconnaît la complexité du rapport entre Freud et Frankl.  Il juge ambigu et relatif le caractère de la critique de ce dernier vis-à-vis de Freud.  S’il relève les mots et les expressions – cynisme, réductionnisme, biologisme, atomisme, psychologique, réduction à son énergie pulsionnelle –  avec lesquels Frankl qualifie l’approche freudienne, il souligne, cependant, certains textes où Frankl nuance sa position.  Ainsi, à la page 84, il rapporte ces mots de Frankl : „L’analyse existentielle n’est pas un ersatz des psychothérapies actuelles, mais doit être leur complément nécessaire.  Bon nombre des découvertes de Freud gardent leur validite (…) C’est certain que la psychanalyse est efficace, mais pour la raison probable qu’elle contient encore finalement un appel tacite au moi (ich) libre et responsable, qu’elle présuppose aussi“.

Le Dr Le Vaou ne dresse pas un abîme entre la psychanalyse freudienne et la logothérapie.  Il va de nouveau faire appel à Frankl pour justifier sa position : „La logothérapie ne peut pas, et c’est dans la nature des choses, n’a pas l’intention de remplacer la psychothérapie, mais de la compléter (et ceci seulement dans un certain nombre de cas spécifiques)(p. 87, 2e paragraphe).  Le Dr Le Vaou défend la position suivante „la  psychanalyse est donc ’subsumée‘ dans la logothérapie, et une fois débarrassée de ce qu’elle a de 19eme siècle, dans son champ (c‘?est-à-dire hors de névrose noogènes dans la classification de Frankl), garde sa validité .“(p. 87 ,1e paragraphe).

Alfred Adler est l’une des figures qui aide à saisir l’originalité de la pensée de Frankl.  Exclu de la première société de psychanalyse, Adler minimise le rôle du refoulement dans la genèse des névroses et met l’accent sur l’importance du sentiment d’infériorité en insistant sur l’idée d’une surcompensation qui s’exprime par une volonté de puissance qui pousse l’enfant à vouloir se montrer supérieur aux autres.  La volonté de puissance est, pour Adler, la motivation de la conduite humaine.  A cette vision, Frankl  apportera la volonté du sens.

   Le Dr Le Vaou établit une nette distinction entre les buts de la vie dont parle Adler et le sens de la vie de Frankl.  Si pour le premier, tout reste dans le domaine intrapsychique (intramondain), pour le second, par contre, l’homme se transcende toujours au-delà de lui- même.  Le Dr Le Vaou a su trouver un texte de Frankl qui précise l’originalité de la logothérapie vis-à-vis de Freud et d’Adler. „La psychanalyse nous a appris à connaître la volonté de plaisir, à partir de laquelle on peut concevoir le principe de plaisir, et la psychologie individuelle nous a rendu familier avec la volonté de puissance sous la forme d’un besoin de se faire valoir ; mais ce que nous désignons par volonté de sens est encore plus profondément enraciné en l’homme : sa lutte pour l’accomplissement le plus grand possible du sens de son Dasein » (p.93)

   Le Dr Le Vaou dégage la position de  Frankl par rapport à la psychologie analytique de Carl Gustav Jung.  Ancien disciple de Freud, Jung ne tardait pas à lui reprocher d’accorder une importance excessive à la sexualité.  Il forge le concept d’archétype qu’il définit comme une forme préexistante inconsciente qui détermine le psychisme et provoque une représentation symbolique apparaissant dans les rêves, l’art ou la religion.  Les archétypes constituent, selon lui, l’inconscient collectif.

    Si ces deux auteurs – Frankl et Jung- explorent le domaine de la religiosité inconsciente, ils le conçoivent différemment.  Frankl ne croit pas à l’existence d’une pulsion religieuse en l’homme.  Ainsi, il rejette la notion d’inconscient archaïque ou collectif.  Pour lui,  la religiosité est une manifestation essentiellement humaine.  Elle implique liberté, conscience et responsabilité.

    Le Dr Le Vaou souligne également dans le troisième chapitre le rôle majeur de la phénoménologie dans l’élaboration de la logothérapie.  Soixante-deux  pages ( p. 98-160 ) sont consacrées  à cette partie.  Le Dr Le Vaou a voulu prouver au moyen de menus détails l’influence de Max Scheler sur Viktor Frankl.  Le tableau comparatif qu’il nous présente à la page 159  de son ouvrage l’atteste bien.

    Pour Le Vaou, c’est à travers Max Scheler que Frankl a découvert la phénoménologie dont le fondateur est Edmund Husserl, philosophe et logicien allemand.  Par son souci de précision,  l’auteur a pris la peine de définir le concept de phénoménologie.  C’est une méthode qui prescrit de „revenir aux choses mêmes“, de les décrire et d’engager le sens, abstraction faite de tout préjugé, mais c’est aussi et surtout la science des phénomènes qui se révèlent à la conscience.  Il souligne un certain nombre de thèses de Max Scheler que Frankl intègre dans la logothérapie : l’existence d’un monde de valeurs objectives et du logos, refus du réductionnisme et mise en avant de la prévalence du spirituel (ou du noétique) par rapport au psychophysique (ce qui ouvre à la notion d’inconscient), réaffirmation de l’homme comme personne et ouverture sur la transcendance, prise en compte de la religion de manière positive, définition de l’homme comme responsable de ses actes, devant les autres et devant Dieu, reprise de la conception des degrés de l’être.

    L’oeuvre scientifique de Frankl est, selon Le Dr Le Vaou, largement  traversée par l’anthropologie de Max Scheler.  C’est par le biais de la phénoménologie que Frankl pose la question religieuse indépendamment de toute croyance explicite à l’existence ou à la non-existence de Dieu.  La personne humaine ne peut se concevoir autrement qu’à partir de la transcendance.  Comme personne, l’homme doit laisser résonner en lui l’appel de la transcendance.  Scheler  et Frankl refusent que l’homme en tant que personne puisse être transformé en objet.  Ainsi, le logothérapeute n’est qu’un accompagnant et le patient est renvoyé à ses actes et à ses décisions personnelles.

    La philosophie de Nicolai Hartmann a été très précieuse pour Frankl dans l’élaboration de son oeuvre scientifique.  La relation entre Frankl et Hartmann est fondée sur l’étude et la réflexion que ce dernier a entreprises sur les différences ontologiques de l’être humain.  Pour lui, le monde social comprend quatre strates : la couche matérielle et la couche organique (spatialisée à l’extérieur), le psychique et le spirituel (royaume de ce qui n’est pas spatialisé).  Frankl et Hartmann admettent l’unité du monde réel.  Même si ces couches sont séparées les unes des autres, il n’en demeure pas moins qu’elles appartiennent tous à l’être humain.

    Dans ses recherches logothérapeutiques, Frankl reprendra cette formule de Hartmann „Autonomie malgré la dépendance“.  C’est cette notion qui inspire à Frankl le développement de ce qu’il appelle „antagonisme noo-psychique“ (pouvoir de défi de l’esprit).  Pour lui, l’esprit n’est pas totalement conditionné par la dimension corporelle.  Il y a, selon lui, une indépendance relative du spirituel : il reprendra aussi chez Hartmann la notion d'“organe de la morale“ chez l’homme.  Cette notion deviendra „organe du sens“ qui se définit „comme la possibilité de percevoir les configurations de sens dans les situations concrètes de la vie“. Contrairement à Hartmann, Frankl refuse de postuler l’athéisme, car c’est dans la conscience morale que l’homme entend et écoute l’appel de la transcendance.

    Le Dr Le Vaou consacre soixante-trois (63) pages au rapport de Viktor Frankl avec la philosophie de l’existence et à l’existentialisme.  Il présente le rapport de Frankl avec ces quatre figures : Martin Heidegger, Jean Paul Sartre, Karl Jaspers, Gabriel Marcel.  Avant de préciser ce qui unit et ce qui différencie Frankl de certains penseurs issus de la philosophie de l’existence, de l’existentialisme, le Dr Le Vaou dégage deux des éléments fondamentaux de ce courant : premièrement, l’homme n’est pour cette philosophie en aucun cas le simple résultat de l’action de forces et de rapports que l’on puisse connaitre. Il ne peut être conceptualisé et décrit de manière objective à l’intérieur d’un système fermé.  Deuxièmement l’existence est un pouvoir être qui décide et se décide, qui de façon permanente choisit, décide et est libre. L’existence dont on parle peut être éclairée  au travers des catégories telles que la liberté, la communication et l’historicité.

    Le Dr Le Vaou relève dans les écrits de Frankl plusieurs références à Heidegger.  Pour les deux, l’existence humaine n’est pas quelque chose de figé, de stable et de statique.  L’homme est un être ouvert au monde.  Il prend conscience de sa finitude. Frankl et Heidegger sont d’accord sur le fait que la conscience est une partie intégrale de leur être.  Ils admettent que c’est le courage qui nous rend capables de faire face à l’angoisse, en particulier à cette angoisse liée à notre situation d’être et à la mort, qui est le mystère et le défi ultime.

    La différence entre Frankl et Heidegger se situe au niveau de leur vision du logos.  Le Dr Le Vaou va parcourir leurs  travaux pour mieux faire ressortir leurs divergences.  D’une part, il cite ce texte de Frankl qui explicite sa vision du logos: p. 196 (2) „le monde de la signification, du sens et des valeurs peut avec justesse être appelé Logos.  Ainsi, le Logos est le corrélat objectif du phénomène subjectif appelé existence humaine.  L’homme est libre d’être responsable, et il est responsable pour la réalisation du sens de sa vie, du logos de son existence“ (p. 196, 2e paragraphe) .   D’autres part, il cite Heidegger à travers son „Introduction à la métaphysique“; (p.197 2e paragraphe) „logos ne veut dire ici ni sens, ni parole, ni doctrine (encore moins sens d’une doctrine), mais: la recollection prédominante constamment en elle-même et rassemblant originairement“ (p.197,2e paragraphe) En dépit de leur différences, les deux considèrent l’être humain comme un être qui décide et se décide en fonction des possibilités qu’il rencontre en lui-même ou que son passé lui offre.  Il est capable de se transcender.

    Le Dr Le Vaou dévoile de nombreuses correspondances entre la logothérapie de Frankl et la philosophie de l’existence de Karl Jaspers.  Il l’a fait dans une vingtaine de pages (p. 198-219).  Les deux partagent la même vision de l’existence : „l’existence n’est pas simplement là, mais elle est ‚être décidant‘ : le dessein est un être qui, toujours et encore, décide de ce qu’il est“.

    Jaspers et Frankl s’oppose aux explications réductrices de la psychanalyse.  Ils critiquent toutes les formes de positivisme, de sociologisme et de psychologisme.  Si les deux reconnaissent la légitimité de la science,  ils refusent de la concevoir comme un absolu.  Frankl partage cette orientation de Jaspers „homme est toujours plus  que ce qu’il apparait à une science dont il est l’objet“ (p.208).  Les deux auteurs insistent  sur le double aspect de la liberté : „liberté de“ et „liberté pour“.  L’existence est, pour eux, de l’ordre de la liberté.  La relation entre la liberté et la responsabilité qu’on rencontre chez Frankl est présente dans cette affirmation de Jaspers citée par le Dr Le Vaou (p.211 3e paragraphe).  „En fait je suis toujours autre que tous les aspects de moi-même.  Je ne puis m’identifier à mon corps, ni à mes actions et à mon passé.  Je ne m’identifie pas non plus à mon caractère : car si ce caractère s’impose à moi comme un donné, au point d’imprimer son empreinte sur chacun de mes actes, j’ai toujours à son égard quelque indépendance ; même s’il est le style de ma liberté, et j’ai conscience d’en être responsable“ ( p. 211, 3e paragraphe).

    Le Dr Le Vaou trouve des comparaisons intéressantes entre les situations- limite de Karl Jaspers, et la triade tragique de Frankl.  Dans la philosophie de Jaspers, les situations limites se référent à l’historicité qui n’est pas autre chose que la première situation limite, à la culpabilité, à la souffrance, au combat et à la mort.  Si les situations limites conduisent à un „échec fructueux“ qui peut conduire à la transcendance et nous place en face de notre responsabilité et de notre conscience morale, la triade tragique, culpabilité, souffrance, mort- de Frankl renvoie à ce qu’il appelle l’optimisme tragique : „dire oui à la vie malgré tout“.

    Le Dr Le Vaou trouve pertinent de souligner le fait que les situations limites de Jaspers et la triade tragique de Frankl sont loin d’être de constructions purement théoriques.  Elles s’enracinent dans leur histoire personnelle : „Elles s’enracinent dans un vécu de souffrance, lié à la maladie pour Jaspers et à la déportation pour Frankl“ (p. 218, 3e paragraphe).

    Le Dr Le Vaou nous présente la position de Frankl vis-à-vis de l’une des grandes figures de l’existentialisme français : Jean-Paul Sartre.  Les deux auteurs ont ceci de commun : leur refus de réduire l’homme „à un simple produit des lois freudienne“.  Ils s’abreuvent à la même source : la phénoménologie. Le Dr Le Vaou souligne aussi le point de litige entre Sartre et Frankl.  Contrairement à Frankl, Sartre s’est montré inflexible dans sa conception d’un monde dépourvu de sens.  La conception sartrienne de la liberté ne confère aucun sens à la vie ni aucune ligne de conduite.  Selon Sartre, l’homme est une passion inutile.

    Si Frankl reconnait, à la mort de Max Scheler, que l’idée de l’absolu et du divin est inscrite au plus profond de la conscience humaine, Sartre ne voit là qu’une „hypothèse dépassée“.  Pour Sartre, l’individu seul est le créateur : „l’homme est l’être qui projette d’être Dieu“.  Frankl reprochera à Sartre de „vouloir la liberté pour la liberté“.  Il refuse le nihilisme sartrien en ces termes : „(…) Jean-Paul Sartre explique, que l’homme doit découvrir l’homme, on doit se demander d’abord, si et comment il peut accomplir la découverte de soi dans le Néant, dans le vide“ (…) comment l’homme pourrait-il s’investir, au sens où Sartre l’entend, s’il n’avait pas depuis longtemps découvert Dieu, un Dieu peut être déjà simplement oublié“ (p.227).  Frankl s’oppose donc à la conception de la liberté de Sartre.  Pour ce dernier, l’un des poids de la liberté est d’avoir à inventer du sens.  Quant à Frankl, le sens doit être trouvé, il n’est pas donné.  On ne peut pas l’inventer, on doit le découvrir.

    Le Dr Le Vaou s’applique aussi à dégager des points de convergence entre Frankl et l’existentialiste Gabriel Marcel, préfacier  du livre „Découvrir un sens à sa vie avec la logothérapie“.  Les deux auteurs  insistent sur l’importance des rapports humains (la communication). Le thème de l’espérance développé par Marcel fait écho à l’optimisme tragique de Frankl.

 A la fin du troisième chapitre, Le Dr Le Vaou nous présente une certaine parenté entre Frankl et Martin Buber.   En dépit de leurs différences de vocabulaire, ils partagent des thèmes communs comme „la rencontre, entre le je et le Tu“, „la religion“.  Nous avons pour preuve cette affirmation de Frankl dans laquelle est mentionné le nom de Martin Buber : „Est-ce que je ne parle pas d’une religiosité que chacun trouve à partir de sa parole personnelle, s’il se tourne vers Dieu ? En réalité, la relation entre le je et le Tu, dans laquelle Martin Buber, comme chacun le sait voit l’essence de l’existence spirituelle, atteint son point culminant dans la prière, et en particulier dans la structure dialogique de celle-ci. Seulement, nous devons prendre en considération le fait qu’il ne s’agit pas d’une parole inter-personnelle,  mais aussi d’une parole intra-personnelle, à savoir le dialogue avec soi-même, le fait de se parler à soi-même ». (p.235-236).

 

   Le quatrième chapitre de l’ouvrage permet au Dr  Le Vaou d’expliquer en quoi un certain nombre de questions soulevées par Frankl – déterminisme et liberté, esprit et cerveau – statut de la psychanalyse, rôle et importance de la question des valeurs et de la religion – demeurent au coeur de la pensée contemporaine.

   Le Dr Le Vaou loue Frankl pour avoir traduit et transposé dans le champ de la médecine l’impulsion de la philosophie de l’existence et de certains courants de la phénoménologie.  Son dialogue avec Max Scheler lui a permis d’insister sur la liberté et de refuser tous les réductionnismes. Le Dr Le Vaou mobilise quelques auteurs contemporains qui sont méfiants vis-à-vis de toutes les formes du réductionnisme.  Il cite le livre „le cerveau et la liberté“ de Pierre Karli (p.252) par exemple qui dénonce les „biologismes singulièrement réducteurs“ qui prétendent expliquer tout homme sur la seule base des déterminations d’ordre biologique“.  Il croit que l’approche de Karli rejoint les idées-forces de la logothérapie de Frankl.  En effet, pour Kali, chacun de nous est à la fois un „individu biologique„, membre singulier de l’espèce humaine et fruit d’une évolution et d’une histoire biologique, un „acteur social“ qui interagit avec d’autres tout au long de sa vie au sein du système social et d’un contexte socio-culturel fruit d’une histoire culturelle, et enfin „un sujet en quête de sens et de liberté intérieure“ qui se pense, se détermine et s’évalue lui-même ; un sujet qui, par delà les contraintes d’ordre biologique et les pressions sociales, „peut s’efforcer de donner – par lui-même et pour lui-même – sens et cohérence à sa vie“  (p.252)   L’affirmation d’une authentique dimension spirituelle de l’être humain va à l’encontre des sirènes  actuelles des „neuro-réductionnismes“ et des „neuro-déterminismes“.

    Dans les douze dernières pages du livre (p.272 à 284), Le Vaou essaie de fournir quelques précisions sur la question des valeurs et celle de religion chez Frankl.  Contrairement à la psychanalyse, logos, valeur, religion et sens sont essentiels dans l’approche de Frankl.  Le Dr Le Vaou laisse entendre que la pensée de Frankl peut être diversement interprétée.  A la page 275, il écrit : „la logothérapie entre religion et laïcité : un équilibre introuvable ?“  Il a pris le soin d’expliquer la position de Frankl : „Frankl lui-même ‚déthéologise‘ les concepts qu’il utilise tout au long de l’élaboration de ses ouvrages, et tout particulièrement dans ceux parus en anglais aux Etats-Unis, et qui sont aussi plus tardifs.“

    Frankl aborde, selon le Dr Le Vaou, la question religieuse d’un point de vue phénoménologique et anthropologique.  La logothérapie élargit la dimension du religieux et du spirituel jusqu’à y englober l’athéisme. Pour lui,   Frankl parvient à garder l’équilibre entre le sens et le „supra-sens“ : il ne dit pas qu’une vie sans Dieu serait absurde et ne prétend pas à l’inverse qu’il suffirait d’avoir la foi pour donner sens à sa vie ; l’existence du sens de la vie pour un individu donné ne dépend pas logiquement de l’existence d’une transcendance : la certitude du fait de l’existence de Dieu ne suffit pas à elle seule à donner un sens définitif à la vie.  Le sens immanent peut être aussi déterminant que le recours à un sens transcendant.

    Dans la conclusion, l’auteur s’attelle à formuler une dernière réflexion sur la valeur et la pertinence de la logothérapie.  Il veut qu’on comprenne l’oeuvre de Frankl et qu’on ne l’interprète pas comme un travail aux limites de l’ésotérisme.  La méfiance envers la logothérapie est injustifiée.  Il insiste sur la dimension laïque des écrits de Frankl.  Le concept „laïque“ signifie pour le Dr Le Vaou „neutralité“ religieuse.  L’apport de Frankl est original et il demeure valable au XXIe siècle.  Le Dr Le Vaou revient constamment sur l’optimisme franklien : „pour l’ancien déporté qu’était Frankl, tout homme peut transformer son attitude intérieure, même dans les situations où il n’a plus de possibilités extérieures d’action et renverser le désespoir en accomplissement, l’individu devenant alors lui-même un exemple pour les autres en les aidant eux-mêmes à affronter leur souffrance.  Car „désespérer, c’est souffrir sans qu’il n’y ait de sens“ (p.289).

    Enfin, Le Vaou  plaide pour une articulation possible entre la logothérapie et la psychanalyse.  Il invite ses lecteurs à tenir compte de l’évolution de la psychanalyse et à ne pas considérer la logothérapie comme une théorie qui expliquerait l’ensemble de la psychopathologie.  S’appuyant sur les écrits de Marie Romanes „Le divan et le prie- Dieu.  Psychanalyse et religion“, Elisabeth Roudinesco „Pourquoi la psychanalyse ?“, le Dr Le Vaou avoue que la psychanalyse a évolué en profondeur au plan théorique et qu’elle s’est détachée de son socle biologique initial pour être (en particulier en France) renouvelée et enrichie par l’apport lacanien.  Il avance que la „conception d’une psychanalyse négatrice de la liberté humaine hostile aux valeurs religieuses, paraît actuellement terriblement datée : il n’est plus possible de penser le rapport au symbolique et au religieux comme le faisait Freud“.  Bref, le Dr Le Vaou croit que l’ère d’une vraie rencontre entre la psychanalyse et la logothérapie est arrivée.  Un dialogue  entre les deux écoles est possible.  Et l’auteur termine son ouvrage sur la question de la liberté et de la finitude.  L’enjeu, affirme-t-il, est donc de pouvoir penser une liberté à la fois réelle et finie, une liberté qui puisse être „ainsi pensée dans la finitude“.

     Fondée sur une large documentation, le livre du psychiatre Pascal Le Vaou a le mérite de montrer la dimension philosophique et séculière  des travaux de Viktor Frankl.  Il fournit une excellente porte d’entrée à la logothérapie.  Il contribuera à faire connaître la pensée de Frankl dans le monde francophone.  La bibliographie abondante et variée que nous présente l’auteur a l’incontestable avantage de proposer des ouvrages dans ces trois langues : français, anglais, allemand.  Psychiatre, l’auteur trouve pertinente l’opposition qu’adresse Frankl à toute tradition psychiatrique, positiviste, réductionniste, matérialiste.  Si Pascal Le Vaou loue Frankl pour avoir „traduit et transposé“ l’impulsion de la philosophie de l’existence dans le champ de la médecine, c’est à cause de sa propre option pour ce mouvement de pensée et pour la phénoménologie.  Ce n’est pas par hasard que figurent dans sa bibliographie les textes de Karl Jaspers, Martin Heidegger et Max Scheler.  A travers son livre, Pascal Le Vaou défend avec fermeté et prudence ce type de thérapie, la logothérapie , proposée par le docteur Frankl.  Il ne veut pas qu’on fasse une lecture théologique des concepts majeurs de la logothérapie.  Avec ce livre, l’auteur dissipe et anticipe toute interprétation tronquée de la pensée de Frankl.  Le Dr Le Vaou semble inviter ses collègues, les professionnels de la santé mentale, les psychologues et les psychothérapeutes,  à dialoguer avec ce penseur puissant  qu’est Viktor Frankl.  L’ouvrage présente de manière claire l’importance du sens et des valeurs dans la logothérapie.  Si l’auteur défend l’approche de Frankl,  il évite, cependant, d’idolâtrer ce dernier.

L’ouvrage du Dr Le Vaou marque une étape importante dans l’introduction de la pensée de Viktor Frankl dans le monde de la Francophonie.  En effet, peu de textes de Frankl sont traduits en français. Ce dernier évoque seize (16) titres de Frankl en allemand et il y en a que cinq (5) (Découvrir un sens à sa vie avec la logothérapie, Le dieu  inconscient, Raisons de vivre, La psychothérapie et son image de l’homme, un psychiatre déporté témoigne) qui sont traduits en  français.  La différence est quand même énorme. Ce vide mériterait d’être comblé.

    Si nous avons une remarque à adresser à Pascal Le Vaou c’est la suivante : nous nous étonnons de ce que l’auteur n’a pas pu consacrer deux à trois  pages à l’influence qu’ont exercé ces deux professeurs  – Rudolf Allers (1883-1963) et Oswald Schwarz – sur la pensée de Viktor Frankl. Les ouvrages de ces deux penseurs ne figurent pas dans sa riche bibliographie. Rappelons qu’on rencontre ces deux idées fondamentales de Frankl à travers les écrits de Allers et de Schwarz : a) l’unicité de la  personne humaine est unique et irremplaçable, b) le rôle prépondérant du sens de la vie.  Nous savons aussi l’importance qu’accordent ces deux auteurs à l’exercice de la liberté et de la responsabilité dans le domaine de la sexualité. Nous ne devons pas ignorer l’importance qu’accordait Allers pour les écrits de Saint Thomas d’Aquin. N’a-t-il pas traduit  „Quaestiones disputatae de veritate“ de ce dernier ? Ne rencontrons-nous pas chez Frankl cet accent thomiste quand il définit l’homme comme une unité malgré la diversité ? Dans son livre „La psychologie et son image de l’homme“, Frankl n’a pas caché sa sympathie pour Saint Thomas lorsqu’il affirme : „(…) L’existence humaine est „Unitas multiplex“, pour reprendre les termes de Thomas d’Aquin » (p. 134).

Somme toute, le livre de Pascal Le Vaou constitue un solide point de départ pour entrer dans les écrits de Frankl. Sa lecture peut susciter notre intérêt non seulement pour la logothérapie, mais aussi pour apprendre à connaître les psychanalystes, les philosophes, les psychiatres et les phénoménologues qui ont nourri la pensée de Frankl. Avec le Dr Le Vaou, nous découvrons que la logothérapie n’a rien d’ésotérique. Elle n’est pas un ensemble de techniques ou de recettes magiques. La logothérapie n’est pas une secte.  Elle a une dimension laïque ou séculière.  C’est une vision de l’homme . C’est une manière d’habiter le monde. C’est un style de vie.  Ainsi, nous pouvons dire avec Elisabeth Lukas, disciple de Frankl : „La logothérapie est une saine manière de vivre qui ne peut mûrir des fruits de guérison que si on modèle sur elle, ce que doit faire d’abord le logothérapeute lui-même, puis, avec son aide, le patient. D’où il résulte ceci : qui ne se modèle pas sur la logothérapie ne pourra guérir par cet ensemble de procédés“ (in „De ta souffrance, tu peux faire quelque chose“ ([.294)